Réseau-Lucioles a mené cette enquête de décembre 2007 à avril 2008, avec la collaboration de Catherine Senez et d’Irène Benigni, respectivement orthophoniste spécialisée dans les troubles de la déglutition et de l’oralité et diététicienne spécialisée dans la nutrition des personnes avec handicap sévère.
Cette étude a été financée par l’Association française du Syndrome de Rett, le Conseil Régional Rhône-Alpes, la Fondation de France et les Conseils Généraux du Rhône et de l’Ain.
SOMMAIRE
- Objectifs
- Population représentée
- Synthèse et préconisations issues de cette étude
- Un reflux gastro-oesophagien sans doute largement sous évalué
- A la naissance, des tétées difficiles
- L’alimentation par sonde
- Autonomie à table
- La qualité de mastication
- La dénutrition
- Les fausses routes en mangeant ou buvant
- L’hydratation
- L’hypersensibilité gustative et olfactive
- L’état des dents
- Le bavage
- Deux autres difficultés : le bruxisme et les troubles du sommeil
- Biais de cette étude
- Conclusion
Objectifs
- Faire un état des lieux sur les troubles de l’oralité, de l’alimentation et de la digestion pour les personnes atteintes des Syndromes de Rett, d’Angelman, d’Aicardi et d’autres pathologies sévères s’accompagnant de ces troubles,
- Proposer des pistes de solution pour améliorer la prise en charge de ces personnes,
- Repérer des points communs entre pathologies, pour envisager d’éventuelles actions en commun.
365 familles ont participé à notre enquête.
Population représentée
Les syndromes de Rett et d’Angelman sont très représentés dans cette enquête parce que les associations de parents ont mobilisé leurs adhérents.
Il n’en demeure pas moins que le point commun entre ces 365 personnes est qu’elles sont atteintes d’un handicap mental sévère s’accompagnant de troubles de l’oralité, de l’alimentation et de la digestion.
Sexe : la répartition est très particulière car :
- Les personnes atteintes des syndrome de Rett et de Aicardi sont des filles à de très rares exceptions près.
Dans l’enquête, 99 % des personnes atteintes du syndrome de Rett sont des filles et 100 % des personnes atteintes du syndrome d’Aicardi. - Pour les autres pathologies (Angelman, Autisme…), la répartition est de 53 % de garçons et 47 % de filles.
La répartition par âge s’étend entre 3 mois et 48 ans :
- 50 % des personnes ont moins de 12 ans.
- 70 % ont moins de 18 ans.
Si les personnes atteintes du Syndrome de Rett représentent plus de 60 % de la population de cette étude, le syndrome d’Angelman est proportionnellement presque aussi bien représenté selon le nombre d’adhérents à l’association francophone du Syndrome d’Angelman. Pour les autres pathologies (Aicardi, Autisme sévère…), les familles qui nous ont répondu ont toutes confirmé que leur enfant répondait à notre définition du « handicap mental sévère ».
Nous avons ainsi une population de 365 personnes présentant un handicap mental sévère et des troubles de l’oralité, de l’alimentation et/ou de la digestion.
Synthèse et préconisations issues de cette étude
Le reflux gastro-oesophagien (RGO) sans doute largement sous-évalué
Plus de 45 % des personnes non traitées contre le Reflux Gastro-Oesophagien (RGO) présentent :
- des toux fréquentes* après ou en dehors des repas,
- et/ou des problèmes fréquents voire quotidiens de sommeil*.
*(deux critères importants reconnus comme pouvant évoquer le RGO)
Suggestion : La prescription d’un traitement anti-acide et/ou antisécrétoire de courte durée peut être un évaluateur efficace (voir avec un médecin).
A la naissance, des tétées difficiles
Pour 40 % des bébés, les tétées au sein ou au biberon sont très longues (supérieures à 30 minutes)
Suggestion : Il existe des techniques pour éduquer le réflexe de succion. (voir avec une orthophoniste ou un kinésithérapeute spécialisé)
L’alimentation par sonde
15 % des personnes bénéficient ou ont bénéficié d’une alimentation par sonde (y compris les adultes)
Suggestion : Dans ces situations, pensez à entretenir l’oralité et périodiquement à envisager un sevrage (voir avec une orthophoniste ou une diététicienne spécialisée, ainsi que les personnes en charge de l’alimentation quotidienne).
Autonomie à table
80 % des personnes ne peuvent manger seules (y compris les adultes).
Suggestion : Adaptez le plus tôt possible les couverts pour favoriser l’autonomie (voir avec un ergothérapeute)
La qualité de mastication
60 % des personnes mastiquent mal
Suggestions : Réalisez un bilan de mastication et adaptez, si nécessaire, la texture des aliments.
(voir avec une orthophoniste ou une diététicienne spécialisée)
La dénutrition
22 % des personnes sont dénutries sans que les parents en aient nécessairement conscience.
Suggestion : Au moindre doute, réalisez un bilan nutritionnel et prenez des conseils pour mieux alimenter l’enfant. (voir avec une diététicienne ou une orthophoniste spécialisée dans le handicap)
Les fausses routes en mangeant ou buvant
10 % font des fausses routes en mangeant ou en buvant
Suggestion : Il existe une posture « tête en avant » qui, la plupart du temps, évite ces problèmes. Vous pouvez lire deux articles très bien faits sur ce thème en cliquant ICI (une orthophoniste, une diététicienne ou un ergothérapeute spécialisé peuvent vous aider sur ce sujet).
L’hydratation
33 % ne s’hydratent pas assez
Suggestion : Pensez à rassembler des recettes hydratantes agréables à absorber.
L’hypersensibilité gustative et olfactive
- Plus de 6% des personnes ont « tous les jours », voire « à tous les repas », des haut-le-cœur en mangeant
- et 4 autres pourcents font des hauts le cœur « à chaque brossage des dents ».
Ainsi 10 % de la population pourrait avoir une hypersensibilité gustative et olfactive très inconfortable au quotidien.
Suggestion : Certains orthophonistes spécialisés sur les troubles de la sphère orale, peuvent apporter une rééducation efficace à ce « nauséeux ».
L’état des dents
Plus de 15 % ont des dents en mauvais état dont 4 personnes sur 10 vont moins d’une fois par an chez le dentiste.
Les parents expriment leur grande difficulté à trouver un dentiste spécialisé. S’ils en trouvent un, les délais d’attente sont souvent décourageants (6 à 9 mois voire davantage)
Suggestions : Récupérer les trucs et astuces en hygiène dentaire, Consulter un dentiste de ville.
Nous recommandons aussi aux associations de faire profiter leurs adhérents des bonnes adresses de dentistes accueillant des personnes handicapées.
Le bavage
9 personnes sur 10 bavent.
Suggestions : Un certain nombre de solutions peuvent marcher … parfois (orthophonie, médicaments, chirurgie…)
Deux autres difficultés : le bruxisme et les troubles du sommeil
36 % ont des problèmes de bruxisme (grincement des dents)
45 % ont des problèmes aigus de sommeil
Suggestions : Un rapprochement entre associations et une analyse plus approfondie de ces sujets seraient souhaitables pour avancer vers des solutions.
Biais de cette étude
Longueur du questionnaire
Le questionnaire était long (145 questions), et nous craignions une perte d’attention et de précision de la part des familles après 15 minutes. Nous avons pourtant constaté que la très grande majorité d’entre elles s’est impliquée très sérieusement jusqu’à la dernière question.
Interprétation des questions et subjectivité des réponses
Cette enquête a été réalisée par correspondance auprès de 365 familles ayant en leur sein, un enfant atteint d’un handicap sévère.
Chaque question a été posée avec l’objectif de limiter au maximum, les interprétations de chacun des parents.
Il est néanmoins tout à fait possible que certaines questions posées soient interprétées par le lecteur ou que certaines réponses soient empruntes de subjectivité. (ex. « Pensez-vous que votre enfant se nourrit correctement ? » ou « combien de temps duraient en moyenne, les tétées au biberon ? » ).
Cela ne retire rien à la valeur des questions et des réponses à cette enquête dont un des objectifs, rappelons-le, était de rassembler des « données de terrain ».
Conclusion
Les personnes ayant un handicap mental sévère ont souvent des troubles de l’oralité, de l’alimentation et de la digestion. Ceux-ci peuvent se manifester par :
- des reflux gastro-oesophagiens,
- des difficultés à téter à la naissance,
- la nécessité d’un recours à une alimentation par sonde,
- des problèmes de mastication,
- une dénutrition,
- des épisodes de fausses routes,
- des difficultés pour les parents, à faire boire leur enfant,
- une hyper sensibilité gustative et olfactive,
- des problèmes dentaires,
- des problèmes de bavage,
- des problèmes de bruxisme…
… sans compter les problèmes de sommeil qui peuvent parfois être en lien avec ces troubles.
Pour chacun de ces sujets, il y a des solutions, parfois radicales, parfois plus tâtonnantes.
Ce qu’il faut, pour que chacun puisse avancer, c’est trouver des interlocuteurs (orthophonistes, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, diététiciens) spécialisés ou ayant une forte expérience dans le handicap. Il serait intéressant que vos associations puissent vous orienter, selon votre région, vers ces interlocuteurs.
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