Un examen à l’hôpital, une consultation chez le dentiste … peuvent facilement se transformer en une énorme galère pour une personne atteinte d’autisme ou de handicap mental ou les deux. Si ça se passe mal, il est évident que ce sera aussi mal vécu par la famille ou l’accompagnant… éventuellement même par le professionnel…
Les résultats de l’examen en pâtiront et il sera encore plus difficile la prochaine fois de conduire cette personne « différente » à un autre examen avec le souvenir laissé au patient et à sa famille.
Il y a pourtant des solutions et des repères à avoir pour que les choses se passent bien…
L’article qui suit, dont nous vous proposons un extrait, a été rédigé pour aider les personnes avec autisme mais beaucoup d’idées qu’il contient sont aussi valables pour l’accompagnement des personnes avec handicap mental dit « sévère ».
Auteur : Eric Willaye- Directeur du SUSA- Service Universitaire Spécialisé pour personnes avec Autisme- Université Mons-Hainaut-Belgique
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
QUE PEUVENT FAIRE LES PARENTS ?
Fiche de synthèse pour les parents (imprimable)
QUE PEUT FAIRE LE PERSONNEL MÉDICAL ?
Questionnaire de préparation d’une consultation (imprimable)
Check-list pour les professionnels (imprimable)
INTRODUCTION
Les conseils synthétisés ci-après sont destinés d’une part aux parents et accompagnants et, parallèlement, les équipes médicales trouveront des indications qui leur sont plus spécifiques.
Les conseils concernent les personnes avec autisme de tous âges, même si, lorsque ils s’adressent aux parents, on évoque leur enfant, ce qu’elles restent toute leur vie.
Vous trouverez également un questionnaire simple permettant d’échanger de l’information pour préparer la consultation.
QUE PEUVENT FAIRE LES PARENTS OU LES ACCOMPAGNANTS pour préparer une consultation médicale avec une personne avec autisme ?
Informer et s’informer
Informez le médecin ou son service (A.S. ou infirmière) des caractéristiques principales de votre enfant (ce qu’il comprend – ce qu’il ne comprend pas, ses problèmes de comportement, ses intérêts).
Expliquez à ce service s’il présente des peurs étranges et inhabituelles (par rapport à certaines textures, certaines couleurs, … )
Informez le médecin ou son service de ce que vous avez mis en place pour le déroulement de la consultation (images ou horaires).
Informez le médecin si vous ou votre enfant avez pu installer une routine dans une consultation.. Si par exemple, il lui est nécessaire de d’abord montrer son album photos, tentez de convaincre le médecin de prendre le temps de s’y intéresser. La mise en place d’une routine pour cette situation particulière peut être un autre moyen intéressant de favoriser un bon déroulement de la consultation. Mais il est vrai que cette consultation prendra un peu plus de temps… pour tous.
Prévenir
Insérez dans l’horaire* une photo de l’endroit où vous vous rendez pour la consultation médicale (ou éventuellement une photo du médecin). Nous n’insisterons jamais assez sur l’importance pour ces enfants, adolescents et adultes de pouvoir disposer d’un moyen visuel (horaire fait avec des objets, des images, des photos ou des mots) pour comprendre la succession des événements (toutes les étapes des soins par exemple).
*horaire : suite de photos, d’objets ou de pictogrammes qui expliquent visuellement les étapes d’une action (quand votre enfant en a un !)
Demandez des informations sur le déroulement de la consultation ou des soins que recevra votre enfant. Dessinez-les ou écrivez-les, expliquez-les à votre enfant durant les jours qui précédent. Pendant les soins, si cela s’avère possible, éliminez une à une ces représentations (barrez, déchirez ou mettez-les dans un sac pour une autre fois).
Par exemple, si votre enfant sait lire :
1) j’entre dans le local et je m’assieds dans le fauteuil
2) le dentiste parle à maman
3) il s’approche de moi
4) j’ouvre la bouche quand il le demande
…
10) ma dent est guérie
11) j’écoute du violon avec mon walkman.
Il peut être utile de vous rendre plusieurs fois (dans les semaines ou jours qui précédent) à l’endroit de consultation ou de soins avant le jour réel (Profitez-en pour prendre une photo des lieux). Cela permet à la personne avec autisme de mieux appréhender les événements.
Il peut même être utile d’utiliser une stratégie progressive : aller en voiture jusqu’à l’endroit prévu, aller jusqu’à la porte, aller jusqu’à la salle d’attente, aller jusqu’au cabinet de consultation, aller jusqu’à la table ou le siège de soin, ….
N’attendez pas le dernier moment pour prévenir votre enfant. C’est une solution de facilité court terme. Apprécieriez-vous que l’on vous emmène à brûle pourpoint à une consultation médicale sans vous prévenir de son objectif ni de sa durée ? … Votre réponse est doublement vraie pour les personnes avec autisme. Il faut respecter un délai raisonnable pour prévenir votre enfant (pas deux mois à l’avance). Ce délai peut être variable d’une personne à une autre, un délai de quelques jours semble raisonnable.
Il peut être utile que votre enfant voie une démonstration de ce qu’il va subir. On nous a ainsi relaté l’expérience d’un jeune adulte pour lequel il s’est avéré fort utile qu’il voit son éducateur référent recevoir des soins dentaires.
Communiquer
Rappelez-vous également que ce n’est pas parce que votre enfant parle que les indications verbales que vous lui donnez suffisent à faire diminuer son anxiété (A-t-il vraiment compris tout ce que vous lui avez dit ? Est-il vraiment dans l’état émotionnel le lui permettant ?). ALORS, utilisez des dessins, des images, des mots, des objets pour bien vous faire comprendre.
N’oubliez pas le système de communication de votre enfant. Sollicitez le milieu éducatif fréquenté par votre enfant pour qu’il vous aide à en mettre un sur pied. Communiquer est un acte fondamental et il est des choses que l’on ne peut exprimer uniquement en tirant la main.
Les consultations ou soins eux-mêmes sont des situations naturelles où l’on peut apprendre à mettre des mots ou des images sur des sensations ou des sentiments. Munissez-vous donc de matériel pour communiquer. Un dessin approximatif vaut mieux que rien du tout.
Les milieux éducatifs doivent trouver par rapport à ces situations de soins médicaux une motivation et un but dans l’apprentissage :
– Du schéma corporel (pouvoir indiquer les parties de son corps pour montrer où on a mal)
– De la communication expressive (sentiments, parties du corps, besoins élémentaires, …) par des systèmes de communication le plus souvent alternatifs
– De la communication réceptive (parfois aussi par des supports visuels) de consignes simples (donne, ouvre la bouche, …)
– De communiquer l’intensité de la douleur par des systèmes d’échelles visuelles
Aménager l’environnement
N’hésitez pas à emporter quelques activités préférées et bien connues de votre enfant(ex. : walkman, livre favori). Nous insistons beaucoup pour que parents et professionnels apprennent aux personnes avec autisme à s’occuper seules, notamment durant les périodes de loisirs. Cette compétence peut s’avérer particulièrement utile si vous devez attendre ou vous entretenir avec le médecin.
Faites suivre systématiquement et directement cette consultation, surtout si d’autres auront lieu, d’un événement agréable pour votre enfant (laisser éventuellement le choix de cet événement). Il peut être également utile de montrer une représentation de cette activité favorite.
Pour certaines personnes avec autisme, il peut être utile de réaliser des jeux de rôle notamment en faisant jouer la succession des étapes d’une consultation médicale.
Si les examens ou les soins nécessitent plusieurs jours d’hospitalisation, quelques idées fondamentales doivent être prises en considération:
1. essayez de trouver différents endroits qui auront des fonctions particulières, ne faites pas jouer votre enfant à la table où il mange, par exemple.
2. essayez d’organiser son temps, évitez les « temps morts », montrez lui la photo des visiteurs prévus,…
3. montrez lui le nombre de nuits à passer à l’hôpital, par exemple en dessinant autant de lits que de nuits, chacun sur un carton, après le dernier carton insérez la photo de votre maison ou de votre voiture pour indiquer le départ.
4. renseignez-vous sur les activités possibles au sein de l’hôpital (kiné, psychomotricité, ergothérapie, activités avec des éducateurs ou des bénévoles,…)
5. dans le cas d’une anesthésie, sollicitez auprès du médecin l’autorisation d’être présents en salle de réveil.
6. faites connaître rapidement vos besoins de répit.
Les milieux éducatifs doivent trouver, par rapport à ces situations de soins médicaux, une motivation et un but dans l’apprentissage d’activités de loisirs et d’occupation appropriées.
Fiche de synthèse pour les parents
QUE PEUT FAIRE LE PERSONNEL MEDICAL OU PARAMEDICAL?
pour préparer une consultation ou des soins avec une personne avec autisme ?
Informer et s’informer
Si c’est la première fois que vous allez recevoir telle personne avec autisme à votre consultation, renseignez-vous sur les caractéristiques de cette personne
Questionnaire de base à communiquer aux parents avant la consultation.
Soyez sensibles à des demandes particulières des accompagnants (parents, éducateurs, enseignants) des personnes avec autisme. Ce ne sont pas nécessairement des caprices de parents trop protecteurs. Ils connaissent bien leur enfant et ont souvent une longue expérience des consultations médicales. Leur confiance en vous n’en sera que mieux assurée.
Proposez aux parents qu’ils se fassent accompagner par une personne (l’enseignant ou l’éducateur référent) qui connaît bien la personne avec autisme. Cette personne ressource fera profiter de son recul émotionnel en cas de problème.
Fournissez aux parents une synthèse écrite concernant les caractéristiques médicales de la personne avec autisme (intolérances allergies, effets paradoxaux constatés … ). Cela facilite la communication d’informations lorsqu’ils consultent un praticien d’une autre spécialité (ou qu’ils se rendent en vacances). Cela peut s’avérer vital lorsqu’ils sont amenés (cela arrive régulièrement dans les familles ayant un enfant avec autisme) à s’adresser à un service d’urgence.
Et pour les résultats de vos investigations, que penseriez-vous du fait de transmettre aux parents une courte synthèse écrite dont les termes soient compréhensibles par tous?
Communiquer
Gardez toujours votre calme et votre sang-froid. Ne haussez pas le ton.
Exprimez-vous par des phrases simples en les associant à des images ou des objets. Ne noyez pas la personne dans un flot de paroles, cela risque de générer des problèmes.
Faites part à votre patient autiste que vous comprenez qu’il peut avoir mal lors de tel ou tel soin. N’hésitez pas à exprimer ce que vous pensez qu’il peut ressentir, ne minimisez pas l’importance de la douleur … la personne que vous avez en face de vous ne peut vous l’exprimer.
Si vous recevez des adultes avec autisme, impliquez les dans la discussion par exemple en les regardant régulièrement.
Aménager l’environnement
Laissez la personne prendre connaissance de l’environnement.
Utiliser un fond musical ou éventuellement la cassette préférée de l’enfant peut le « déstresser ».
Permettez à l’enfant de garder son objet favori en main. Si cela n’est pas possible en raison du type d’examen, placez-le dans une boîte transparente à proximité de l’enfant et expliquez-lui avec les moyens qu’il comprend qu’il le récupérera après.
N’hésitez pas à ôter votre blouse: Les personnes avec autisme l’associent souvent à une expérience négative.
Évitez les mouvements rapides et brusques.
N’oubliez pas que certaines personnes avec autisme n’acceptent pas le contact physique, cela leur est totalement insupportable. Il est important de ne pas s’approcher avec les mains encombrées d’instruments. Il faut s’approcher de face en totale confiance avec la personne avec autisme.
Si des examens risquent d’être intrusifs, il est préférable de les réaliser à la fin de la consultation.
Soyez précis dans vos horaires de rendez-vous. Ou, si cela est possible, proposez un rendez-vous en décalage par rapport à vos heures habituelles de consultation. Évitez absolument les longues périodes d’attente; c’est à ce moment qu’apparaissent les troubles de comportement (cris, bris d’objets, … ).
Organisez votre cabinet (et votre salle d’attente) pour qu’il y ait du matériel (quelques jeux, livres, musique, …). Ce matériel peut être disposé à un endroit particulier dans votre cabinet, la personne comprendra ainsi mieux que l’examen est terminé et vous pourrez poursuivre et clôturer l’entretien avec les parents.
Pour les hospitalisations, il est important que les personnes avec autisme et leur famille puissent compter sur une infrastructure d’accueil, notamment en termes de répit pour les familles (qu’elles puissent prendre du repos durant les hospitalisations), de locaux (qu’il y ait des lieux d’activités – ne dit-on pas « l’oisiveté est mère de tous les vice », cette maxime est doublement vraie pour les personnes avec autisme), de planification des examens et soins (afin que l’hospitalisation soit de la plus courte durée).
Check-list pour les professionnels (imprimable)
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Je trouve cet article très bien fait. Permettez-vous que nous le reproduisions, en citant la source bien sûr, pour publication et diffusion auprès des 160 familles qui sont membres de notre organisme?