??? Handicap mental sévère : des constats aux propositions

Article publié dans A classer le 02 mars 2012modifié le 04 octobre 2024

Voici un état des lieux et des propositions, issus de l’ensemble des travaux réalisés par Réseau-Lucioles depuis 2004 (enquêtes, rencontres de parents et professionnels, visites d’établissements, tournage de films, rédaction d’articles, organisation de réunions-débats et journées d’études…

Toute contribution, enrichissement ou action allant dans le même sens est bienvenue.

I- Introduction

II.1 – Définition du handicap mental sévère

Handicap complexe, intellectuel et moteur. Les personnes avec handicap mental sévère n’ont pas accès à la parole ou expriment difficilement leurs besoins. Leur entourage n’a pas la certitude de répondre correctement à leurs attentes. La plupart des actes de leur vie quotidienne (manger, s’habiller, communiquer, jouer… parfois même marcher) nécessite l’aide d’un accompagnant permanent.
45 000 personnes sont concernées en France (source : STATIS 2002)

Types de handicaps

Les personnes dont nous parlons sont atteintes :

  • de maladies génétiques (syndromes d’Angelman, de Rett, d’Aicardi, du cri du chat…),
  • de polyhandicap,
  • d’épilepsies pharmaco-résistantes,
  • d’autisme et troubles envahissants du développement,
  • d’invalidité motrice d’origine cérébrale (IMOC) et trisomie 21 lorsque ces pathologies s’associent à un handicap mental sévère,
  • des conséquences sévères « d’atteintes ante natales »,
  • de conséquences graves de malformations cérébrales, de traumatismes crâniens, d’encéphalopathies et d’AVC.

Le handicap mental sévère est peu connu car les personnes concernées sont « invisibles ».
Pour s’épanouir, vivre décemment, être des personnes à part entière et réussir à communiquer avec le monde extérieur, elles ont besoin qu’on leur donne du temps, de l’écoute, qu’on partage avec elles.
Les accompagner nécessite beaucoup d’implication, d’imagination, d’énergie, de méthode et de temps, c’est une des conditions pour leur bonne intégration et celle de leurs parents dans notre société.

Paroles de parents

Morgane, 21 ans, ne peut rien faire sans être accompagnée dans tous ses actes quotidiens, elle mange mixé, elle démarche avec aide, ne peut se servir de ses mains, communique avec ses yeux, ses cris et ses changements de posture.

Si souvent je m’évertue à expliquer que, oui, le handicap et la maladie pèsent sur nos vies et nos corps, ET en premier lieu sur elle, notre fille, qui est la première victime de toutes ces difficultés… Ce n’est pas elle le problème, mais bien la maladie détestable qui s’est emparée d’elle !

Nous avons l’impression d’être isolés avec des problèmes que nous n’arrivons pas à gérer, pour lesquels personne n’a de solution satisfaisante à proposer… Je me réjouis aussi que des recherches aillent plus loin pour mieux nous aider et accompagner nos enfants.

II.3 – Défis à affronter

Parents et professionnels sont face à une concentration d’énigmes complexes à la fois humaines, médicales et éducatives :

  • Comment l’aider à communiquer ? comment lui faire gagner un peu d’autonomie ? comment le faire progresser en motricité ? comment gérer et l’aider à mieux gérer ses troubles du comportement ? Comment lutter contre son isolement ? comment favoriser sa socialisation ? comment développer ses intérêts ? comment rééduquer ou limiter ses troubles de déglutition, d’alimentation et de digestion ? comment…
  • De nombreux autres sujets d’interrogation se présentent comme des défis lancés aux professionnels et parents : troubles cognitifs, dyspraxie, épilepsie, problèmes sensoriels, intégration scolaire, troubles du sommeil, hygiène et soins dentaires, régression des acquis, vie affective et sexualité, hyperactivité, sédentarité…

Le handicap dont nous parlons cumule plusieurs de ces énigmes à la fois et c’est pour cela que les accompagnants, volontaires ou pas, doivent pouvoir disposer de temps, de compétences, de formations, de patience, de moyens, du soutien d’une équipe, d’un management efficace…

III – Etat des lieux et PROPOSITIONS

Ces constats sont le fruit de plusieurs enquêtes, rencontres de parents et de professionnels, visites d’établissements, animations (ou participation à…) des réunions, durant 7 années d’activité de Réseau-Lucioles.
Parents, orthophonistes, pédiatres, neuropédiatres, psychologues, éducateurs spécialisés, ergothérapeutes, infirmières, assistantes sociales, directeurs d’établissements médico-sociaux, médecins, instituteurs spécialisés, aides médico-psychologiques, aides soignants…, ayant en charge l’accompagnement de personnes atteintes d’un handicap mental sévère, nous ont livré leurs difficultés et leurs besoins.

A partir de ces constats, rassemblés autour des thèmes principalement abordés, le Réseau-Lucioles formule des propositions.

III.1 – La petite enfance

III.1.a – L’annonce du handicap

Elle a lieu plus ou moins tôt selon les convictions du médecin.
La manière dont est accompagnée cette annonce marquera pour la vie, les parents, la fratrie et la personne handicapée elle-même.
Il y a pourtant encore trop souvent des annonces faites par courrier, sur répondeur, entre deux portes, sans accompagnement ni soutien…

III.1.b – Une errance vers un diagnostic

Entre le moment où les parents commencent à s’inquiéter pour leur enfant (avant l’âge de 1 an dans la majorité des cas) et le moment où est posé un diagnostic, il se passe en moyenne 2 ans et demi. Certaines familles mettront 5 ans et plus. D’autres ne trouveront jamais de nom au handicap de leur enfant (près de 20 % des familles ayant participé à notre enquête sur l’accompagnement précoce).

III.1.c – Les besoins des parents durant toute cette période d’ « errance »

Cette période de recherche est vécue très durement, par les parents…
50 % d’entre eux ont le sentiment de ne pas avoir été aidé dans cette démarche.
Ils décrivent « une galère infinie », « un manque d’écoute et de prise en compte de la parole du parent » et « une perte de temps avant d’être orienté vers les personnes qualifiées ».

Ils auraient souhaité :

  • que leur enfant soit pris en charge sérieusement le plus tôt possible, et non pas au rythme de quelques heures par semaine,
  • que les médecins s’occupent en premier lieu de la prise en charge de l’enfant, diagnostic posé ou pas,
  • pouvoir accéder facilement à un soutien adapté (un coordinateur pour notre recherche, une assistante sociale spécialisée dans le handicap, un psychologue),
  • être plus écoutés et que leur avis soit davantage pris en considération,
  • ne pas avoir continuellement autant d’attente à l’hôpital alors qu’ils y vont si souvent,
  • etre soutenus par l’école,
  • trouver plus facilement des structures pour garder leur enfant.

Paroles de parents :

Au CAMSP, il m’a fallu faire mes preuves pour être prise au sérieux.
Les parents sont obligés de se battre pour obtenir quelque chose pour leur enfant.

III.1.d – L’importance du diagnostic

La cause du handicap n’est pas toujours identifiée.
Cette information est pourtant déterminante :

  • Elle peut déculpabiliser les parents (qui se rendent enfin compte qu’ils ne sont pas responsables du handicap de leur enfant),
  • Elle est un moyen pour que les familles puissent se projeter dans l’avenir (envisager une nouvelle grossesse, connaître les risques de transmission du handicap au sein de la famille),
  • Elle permet aussi de se rapprocher des associations de parents et d’autres parents confrontés à des difficultés comparables,
  • Elle permet enfin de s’orienter vers un mode éducatif et de prise en charge mieux adapté à la spécificité d’un handicap enfin identifié.

||PROPOSITIONS||

  • Intégrer dans les formations des médecins, des paramédicaux et des personnels du secteur médico-social, des modules sur le handicap, sur l’annonce du handicap et sur le regard des parents et des professionnels.
  • Créer des formations spécifiques au handicap mental sévère, accessibles aussi aux bénévoles et AVS…
  • Etablir un protocole de l’annonce du handicap (importance de 2 personnes, une en observation pour reformuler éventuellement), apporter à tous les médecins en charge de cette annonce un éclairage depuis la place des parents et depuis la place du professionnel en charge de l’annonce (cf. les travaux de Régine Scelles…).
  • Etablir un protocole de guidance parentale spécifique au handicap mental sévère afin d’accompagner, le plus tôt possible et de manière pertinente, l’enfant atteint d’un handicap mental sévère.
  • Créer une fonction de coordinateur technique pour aider les parents et favoriser une prise en charge et un accompagnement précoce de leur enfant (conseil, coordination, organisation, orientation, mise en place de bonnes pratiques au quotidien) ; les MDPH souvent submergées par un flot de demandes « tout handicap et fragilité » peut rarement consacrer du temps à cela.- Favoriser l’intervention d’une personne à domicile, lorsque les familles sont confrontées au handicap mental sévère afin de pouvoir prendre toute la mesure des difficultés à soutenir,
  • Créer un livret de parcours pour les familles, recommandant notamment des consultations d’orthophonie spécialisée (communication alternatives à la parole, rééducations des troubles de la déglutition…), de psychomotricité spécialisée (conscience et meilleure maîtrise du corps…), de kinésithérapie, d’ergothérapie, et décrivant l’utilité de ces métiers, ceci pour stimuler le plus tôt possible l’autonomie et éviter les sur-handicaps,
  • Intervenir auprès des CAMSP pour que l’accompagnement précoce des enfants lourdement handicapés soit réalisé à un rythme plus soutenu que 2 à 3 heures par semaine.

III.2 – Lieux de vie

III.2.a – L’accueil en établissement spécialisé

Avant 6 ans, l’enfant est généralement à la maison, parfois avec des séjours plus ou moins longs à l’hôpital.
Il est suivi par un CAMSP (Centre d’Action Medico-Social Précoce) à raison de quelques heures par semaine.
Après 6 ans, s’il y a de la place, il est accueilli dans un établissement, rentrant le soir (semi-internat) ou le week end seulement (internat).

Selon l’âge de la personne accueillie, les structures s’appellent écoles maternelles (un accueil qui ne se fait que sur quelques demi-journées par semaines s’il y a un AVS et si l’instituteur est motivé), jardins d’enfants spécialisés, CLISS, CAMSP, SESSAD, hôpital de jour, IME, IEM, CEM, CME, IMPRO, IMP et/ou cabinet libéraux (notamment pour les accompagnements gérés par les familles), puis pour les adultes MAS, FAM, foyers de vie, SAMSAH…
Dans 50 % des cas, les parents disent ne pas avoir eu le choix de l’établissement d’accueil de leur enfant :

Paroles de parents :

C’est la seule proposition qui nous a été faite,

C’est le seul établissement à proximité ,

Il est dans un établissement qui n’est pas adapté,

Il n’y a pas de place aillurs.

Tous (parents et professionnels interrogés en 2008 sur le thème de la qualité de l’accompagnement) évoquent le manque de structures adaptées (en quantité, qualité, proximité).

III.2.b – A la maison

Les parents soulignent la difficulté à trouver une aide à la maison.
Il existe trop peu de moyens et de solutions pour leur permettre de souffler.

Paroles de parents :

Etre parent d’un enfant (aussi) handicapé demande d’être opérationnel à 100%. C’est très dur à gérer.

Il est difficile de trouver une aide pour la maison quand ils grandissent.

Il y un manque de solutions pour pouvoir souffler.

III.2.c – L’école, les centres de loisirs

Ces parents peuvent avoir « la chance » de voir leur enfant à la maternelle, à raison de quelques demi-journées par semaine.

Paroles de parents :

La scolarisation est impossible, par manque d’AVS

Par défaut de scolarisation dans les établissements spécialisés, notre enfant est à la maison ; Pour qu’il aille à l’école, nous gérons toute la prise en charge et l’accompagnement éducatif en libéral

Il y a des personnes qui s’occupent des personnes handicapées et qui sont sous « contrats aidés »…ces personnes, elles sont là, 6 mois, voire 12…et pour mon petit bonhomme ce n’est pas facile de passer en permanence d’une personne à une autre.

Paroles de professionnels :

Les AVS sont majoritairement financés par des contrats uniques d’insertion qui sont à durée limitée et qui ne sont pas forcément reconductibles ; ça pause effectivement un problème de continuité.

Ces AVS peuvent être aussi des personnes qui ont été elles-mêmes en grande difficulté à l’école…et se trouvent en difficulté pour accompagner les personnes à l’école…

||PROPOSITIONS||

  • Pour favoriser l’intégration en milieu ordinaire, définir des quotas d’accueil (personnes handicapées/personnes classiques) en maternelle, en crèche et en centres de loisirs et systématiquement prévoir en conséquence le nombre d’AVS nécessaire,
  • Former impérativement les AVS pour permettre une meilleure intégration en maternelle et crèches.
  • Favoriser la création de petites structures éducatives de 6 à 8 personnes :
    • à proximité du lieu d’habitation des familles,
    • dans des locaux existants (appartements),
    • avec partage des intervenants avec d’autres structures (pour éviter l’essoufflement et favoriser le partage des pratiques, le décloisonnement),
    • pour une prise en charge et un accompagnement plus adaptés à la spécificité des besoins des

enfants et de leurs familles,

  • Elargir les horaires d’externat : (8h au lieu de 9h et 18h30 au lieu de 16h) permettrait aux parents d’enfants handicapés mentaux sévères de souffler et de pouvoir travailler !
  • Développer des structures d’accueil temporaire flexibles, pour une nuit, une semaine, un mois.
  • Doter chaque famille d’un carnet à points ou d’un chéquier handicap, donnant accès à des prestations de gardes, de répit, d’aide à la maison, de guidance parentale, à un réseau de spécialistes (santé et éducatifs) du « handicap mental sévère »,
  • Développer un réseau de spécialistes du « handicap mental sévère », comme cela a été fait pour l’autisme ; à force de ne pas vouloir différencier les niveaux de handicap (au nom de la « non discrimination »), on en arrive à n’avoir que très peu de professionnels compétents pour accompagner cette grande dépendance.

III.3 – Difficile collaboration entre parents et professionnels

(un point pourtant essentiel face aux énigmes posées par les situations extrêmes de ces handicaps)
La rencontre entre parents et professionnels du médico-social est particulièrement complexe à vivre.
Le professionnel n’est pas obligatoirement formé « au handicap mental sévère ». Les maigres progrès qu’il obtient auprès de la personne qu’il accompagne le conduisent parfois-souvent à un sentiment de non accomplissement.
Un sentiment qu’il doit confronter à une recherche désespérée de progrès de la part des parents.

Paroles de parents :

Sentiment de combat permanent,

Pas d’information sur ses activités et sur l’emploi du temps,

L’établissement ne se remet pas en cause,

Les parents sont souvent mis à l’écart et non considérés comme partenaires,

Refus de certains professionnels de construire à partir des actions passées,

Les parents apprennent « sur le tas », à prendre soin et à accompagner leur enfant, y compris au travers de gestes très techniques. Ensuite, ils ont souvent du mal à être reconnus dans leurs compétences.

Paroles de professionnels :

Des parents parfois envahissants… et qui sortent de leur rôle,

Les parents ont besoin d’être rassurés,

La collaboration parents et professionnels repose sur la confiance mutuelle,

Le manque de rencontre empêche la transparence, or la transparence permet la confiance,

Il y a transparence si le professionnel est à l’aise dans son métier.

|| PROPOSITIONS ||

  • Rendre obligatoire l’ouverture des établissements aux parents :
    • soit par un temps d’accueil hebdomadaire des parents (ex. lundi matin ou vendredi soir),
    • soit par un temps individuel de rencontre au minimum trimestriel avec les professionnels,
    • soit par des formations rassemblant parents et professionnels à la fois.

Tout cela pour favoriser les rencontres, la reconnaissance et l’instauration d’une confiance mutuelle.|

III.4 – La qualité de la prise en charge et de l’accompagnement

Ce constat a beaucoup à voir avec celui effectué par Jean-François Chossy en 2003 sur la situation des personnes autistes en France.

Paroles de parents :

Accompagner une personne avec un handicap profond est très exigeant

La prise en charge est insatisfaisante

La prise en charge est « occupationnelle mais pas éducative »

Il faut donner un sens à l’accompagnement

Besoin d’un accompagnement dirigé et soutenu

Manque d’accompagnement individuel

Temps d’orthophonie insuffisants voire inexistants alors que cette compétence est essentielle pour favoriser le développement de nos enfants (communication, gestion des troubles de l’alimentation, déglutition…)

Projets individuels très pauvres

Ma fille, aujourd’hui âgée de 20 ans, n’a jamais eu accès à ces apprentissages pour parler ou montrer sa pensée durant sa prise en charge en IME. L’orthophoniste avait arrêté sa prise en charge car elle ne collaborait pas selon ses dires… Nous avons donc une jeune fille qui ne peut parler mais qui fourmille d’envies d’exprimer (on le lit dans son regard ou sa gestuelle). Je regrette de ne pas avoir suffisamment exigé que des méthodes soient proposées. Est-ce trop tard pour tenter cette expérience ?

Les groupes constitués sont trop importants et ne permettent pas un accompagnement individuel éducatif dirigé et soutenu,

Le personnel ne recherche pas les capacités de l’enfant. J’ai le sentiment d’être seul à essayer de stimuler notre fille.

Paroles de professionnels :

Cesser de ne proposer que du « bien être »

Manque de réelle prise en charge éducative

Manque de repères

Manque d’outils pour l’accompagnement des personnes ayant un handicap mental sévère

|| PROPOSITIONS ||

  • Rendre obligatoire la mise en place d’un apprentissage à un mode de communication alternatif à la parole ainsi que des formations collectives des professionnels autour de ce thème,
  • Construire les projets individuels à partir d’une évaluation fine des compétences (observations partagées) de la personne handicapée,
  • Il est incontournable de valider au niveau national, des échelles d’évaluation (observations partagées) adaptées au handicap mental sévère (avec ou sans extrême limitation de la motricité) ; ces outils n’existent pas actuellement,
  • Donner les moyens pour plus de prises en charge individuelle au lieu de privilégier le « tout collectif » par économie ; l’animation collective joue un rôle utile mais lorsqu’elle est permanente, elle équivaut à de la « garderie »,
  • Favoriser les formations, notamment à toutes les approches éducatives et de soins spécifiques au handicap mental sévère (modes de communication alternatifs à la parole, éducations structurées, rééducation de la sphère bucco faciale, positionnement, manutention…),
  • Favoriser l’intervention d’experts en établissement pour ressourcer et accompagner les équipes au long cours,
  • Financer des projets de recherche éducative pour cette population,
  • Favoriser l’accès à la musique, au cinéma, aux loisirs, à la culture …
  • Reposer régulièrement pour chaque personne accueillie dans les établissements la question de l’utilité des neuroleptiques (question particulièrement pertinente en FAM, MAS…)
  • Imposer une réflexion pluridisciplinaire pour apporter des solutions aux situations de troubles du comportement ; si la médication peut être une « passerelle » pour gérer les crises, elle n’est pas une solution ; les équipes doivent prendre le temps de chercher des solutions dans les domaines de la communication et de l’éducation adaptées. Des ressources existent sur ces sujets.

III.5 – Difficile arbitrage entre médical et éducatif, entre handicap léger et handicap sévère

Parfois, certains médecins (tradition oblige !) sont « responsables suprêmes » de tous les actes de soins et d’éducation mis en place dans les établissements, malgré quelques heures par semaine de présence seulement. Cette organisation laisse dubitatif.

Il est par ailleurs gênant de constater que, dans certains établissements accueillant un « spectre de handicap » très large, l’ arbitrage des allocations de moyens puisse être effectué par type de handicap sans connaissance des besoins réels et des approches éducatives spécifiques aux personnes les plus lourdement handicapées.

|| PROPOSITIONS ||

  • La responsabilité des projets éducatifs doit relever d’un spécialiste de l’éducation,
  • Tout responsable éducatif doit connaître toutes les approches éducatives,
  • Tout directeur d’établissement doit avoir été sensibilisé aux différentes approches éducatives durant sa formation.

III.6 – Management des équipes

Un directeur d’établissement est une personne déterminante pour le bon déploiement des compétences et la motivation des équipes. Il peut initier le meilleur et le pire dans son établissement.

Paroles de parents :

Passivité ou déficit d’implication des professionnels

Défaut de management alors que celui-ci est essentiel

Pas de projet éducatif

Manque de projets d’équipes

Paroles de professionnels :

Manque de coordination

Manque de management

Souvent concurrence stérile

Ambiance peu favorable

Il y a un risque certain de « burn out » des professionnels

|| PROPOSITIONS ||

  • Revaloriser le travail des professionnels auprès des plus démunis.
  • Favoriser les temps partiels pour éviter l’essoufflement du personnel
    (ex. : mi-temps payé 3/5 ).
  • Financer les initiatives d’ouverture des établissements vers l’extérieur (échanges de pratiques avec d’autres professionnels, échanges de personnels entre établissements, participation à des congrès sur la grande dépendance…).

III.7 – Soutien des familles

Trop de parents sont encore livrés à eux-mêmes: ils ne trouvent pas, au sein de l’établissement accueillant leur enfant, de conseils techniques concrets d’éducation et de soin, spécifiques au handicap lourd de leur enfant.

Paroles de professionnels :

Le concept de guidance parentale n’existe quasiment pas en France

|| PROPOSITIONS ||

  • Favoriser la formation spécifique du personnel des établissements accueillant des personnes avec handicap mental sévère,
  • Faire intervenir les services d’accompagnement de type SESSAD ou SAMSAH… pour former, au domicile de la famille, les aidants et éventuellement les parents en cas de handicap intellectuel ET moteur sévères,
  • Faciliter l’intervention de certains professionnels des établissements au domicile, sur demande des familles (ex. : ergothérapeutes pour se rendre compte des difficultés objectives se présentant au domicile et conseiller les parents sur la manutention, l’aménagement, particulièrement utile pour les personnes en fauteuil).

III.8 – Formation des parents et professionnels

Nous l’avons déjà évoqué, les professionnels sont rarement formés aux approches éducatives et médicales spécifiques au « handicap mental sévère ».
Ces approches sont encore peu connues et utilisées en France.

Paroles de parents :

Le personnel n’est pas formé au handicap sévère

Accompagner une personne avec un handicap profond est très exigeant

Les professionnels sont souvent démunis et ne le disent pas

Manque d’ouverture des professionnels sur les différentes approches (notamment les approches anglo-saxonnes)

Souvent les professionnels ne connaissent pas et ne prennent pas en en compte la pathologie des personnes qu’elles accompagnent.

Paroles de professionnels :

Manque d’outils pour l’accompagnement des personnes ayant un handicap mental sévère

Il est très important que les professionnels connaissent toutes les approches éducatives.

|| PROPOSITION ||

  • Favoriser les formations des équipes des professionnels ensemble. Cette démarche concourt à la cohésion et place tout le monde sur un même référentiel de pratiques.
  • Favoriser la formation des parents qui ont souvent à arbitrer, parfois même à diriger l’accompagnement éducatif de leur enfant.
  • Encourager les formations des parents avec les professionnels : il est fréquent de constater que d’amener les parents et les professionnels à travailler ensemble autour d’un sujet technique et désaffectivé, favorise une reconnaissance et une confiance mutuelle difficile à mettre en place dans le quotidien.

III.9 – Passage d’un établissement pour enfant à un établissement pour adultes

Paroles de parents :

Nos enfants polyhandicapés ont un âge d’éveil de 6 mois à 2 ans … Est-ce que vous mettriez votre enfant de 2 ans en internat, dans une MAS d’où il reviendrait tous les 15 jours voire tous les mois, parce qu’on lui interdit de rentrer toutes les semaines ? C’est comme ça que ça se passe aujourd’hui. On a l’impression d’être à une époque arriérée

J’ai une jeune fille de 29 ans retirée volontairement d’un FAM du fait d’une mauvaise prise en charge et d’une volonté de la soumettre à des neuroleptiques. Aujourd’hui elle est à la maison sans aucun médicament avec deux méthodes éducative. Elle évolue, est très heureuse et ne veut surtout pas retourner dans un centre.

Paroles de professionnels :

Les professionnels sont moins nombreux dans les établissements pour adultes comparativement à ceux accueillant des enfants.

Les résidents sont souvent peu stimulés dans les établissements pour adultes.

Les parents ne sont pas préparés à une dotation moindre des établissements pour adultes qui n’inclut plus de projets de stimulation mais plutôt des prises en charge d’apaisement.

|| PROPOSITIONS ||

  • Recours à des spécialistes de l’extérieur pour ressourcer les équipes et pour qu’elles ne fonctionnent pas en vase clos,
  • Mise à disposition de plus de moyens humains dans les établissements pour adultes,
  • Revendiquer une démarche éducative même dans les établissements pour adultes, un moyen efficace pour lutter contre les troubles du comportement et les régressions,
  • Ne pas réduire les moyens des établissements pour adultes accueillant ces personnes lourdement handicapées,
  • Favoriser, dans les établissements pour adultes, l’ouverture aux différentes approches éducatives du handicap mental sévère,
  • Favoriser l’échange d’expériences entre professionnels par des formations inter établissements, par la participation à des congrès et colloques,
  • Compenser l’éventuel manque de dotation en professionnels des établissements pour adultes, par des bénévoles, des volontaires du service civique formés, ayant une compétence ou des motivations ou projets particuliers pour ces personnes (musique, conte, désir de les emmener à la piscine, aux spectacles…)
  • Développer des solutions permettant aux parents de préparer l’avenir de leur enfant dans la confiance (pour…quand ils ne seront plus là)

III-10 Améliorer l’accessibilité aux systèmes de santé

Est-il normal qu’une personne atteinte d’un handicap mental sévère ne puisse bénéficier d’un suivi de santé classique ?

Par exemple, les soins dentaires sont souvent complexes et peu anticipés par une hygiène dentaire, les suivis gynécologiques sont rarement systématisés.

|| PROPOSITION ||

  • Réaffirmer ce droit d’accès aux soins et donner aux établissements les moyens pour que chaque résident puisse y accéder.

IV- CONCLUSION

Le handicap mental sévère est un handicap à part.
45 000 personnes en sont atteintes et sont dans une situation de grande dépendance.
Elles ont un handicap intellectuel sévère s’accompagnant d’un handicap moteur plus ou moins important.
Ces personnes ont besoin d’une aide pour chaque acte quotidien (pour les aider à savoir faire, les aider à faire ou pour faire à leur place).
Les familles et professionnels sont confrontés à de très nombreuses difficultés cumulées spécifiques à ce type de handicap. Il est indispensable de les aider et les ressourcer sous peine qu’elles s’épuisent, s’isolent dans leurs pratiques et se retrouvent malgré elles, en situation de maltraiter la personne qu’elles accompagnent.

Les différentes pistes d’aide que nous suggérons au travers de ce document sont :

  • L’organisation de conférences de consensus sur l’annonce du handicap, la prise en charge médicale et la prise en charge éducative des personnes ayant un handicap mental sévère,
  • La formation des médecins, paramédicaux, personnels du secteur médico-social et des familles aux spécificités du handicap mental sévère,
  • La création d’une fonction de coordinateur technique pour aider les familles,
  • L’intervention plus systématique de professionnels aux domiciles (évaluation et conseil particulièrement utiles dans le cas de « handicap en fauteuil »),
  • Une prise en charge précoce plus dense que les 2 à 3 heures par semaines prodiguées par les CAMSP,
  • La création d’un guide d’aide au parcours des familles,
  • La création de quotas d’accueil à l’école maternelle, en crèche, et centre de loisir,
  • L’organisation plus sérieuse du recrutement, de l’affectation et de la formation des AVS,
  • La création de petites structures d’accueil favorisant la proximité et l’accompagnement individuel,
  • L’élargissement des plages horaires d’accueil des personnes handicapées en établissement,
  • Le développement de solutions d’accueil temporaire,
  • Le développement d’un réseau de spécialistes du handicap mental sévère dans toute la France, comme cela a été fait pour l’Autisme,
  • L’ouverture des établissements aux familles, aux « coachs » des équipes autour du handicap mental sévère, aux échanges de pratiques…
  • La création d’échelles d’évaluation (observations partagées) du handicap mental sévère (il n’en existe pas),
  • L’incitation et le financement de projets de recherche en sciences de l’éducation autour du handicap mental sévère,
  • La revalorisation du travail des professionnels du médico-social auprès des plus démunis,
  • L’allocation de réels moyens pour conduire des projets éducatifs dans les établissements pour adultes,
  • Une réflexion sur la place du bénévolat et du service civique auprès des plus démunis,
  • Un accès aux soins équivalent à celui des personnes dites « normales », pour les personnes ayant un handicap mental sévère.

Pour qu’enfin nous soyons à la hauteur des plus fragiles, nous pensons qu’au lieu de laisser tout à la libre inspiration de tous, il serait utile de créer :

  • des établissements « pilotes », intégrant dans leurs pratiques les dernières connaissances issues de la recherche et de ce qui se fait à l’étranger. Ces établissements serviraient de vitrines pour inspirer les professionnels et les parents,
  • des équipes nationales de référence autour du handicap mental sévère dont l’objectif serait d’essaimer leurs pratiques au sein d’un réseau à déployer dans toute la France, comme cela a été efficacement mis en place pour l’Autisme.

Enfin, nous sommes convaincus (et nous en faisons l’expérience régulièrement) que ce que nous déploierons pour aider efficacement les plus démunis est utile pour améliorer nos pratiques d’accompagnement d’enfants moins en difficulté voire de personnes dites « normales » confrontées aux difficultés classiques.

Bibliographie

  • Résultats d’enquête auprès de 155 familles – 53 professionnels : Comment accompagner au mieux une personne ayant un handicap mental sévère. 30/01/2009 – Réseau Lucioles
  • Compte-rendu de la Reunion-débat du 24/09/2010 sur « l’accompagnement des personnes avec handicap mental sévère » – Réseau-Lucioles
  • Témoignages recueillis depuis fin 2004 sur le site internet du Réseau-Lucioles, lors de travaux d’enquête sur l’épilepsie, les troubles de l’oralité de l’alimentation et de la digestion, les troubles du sommeil, ainsi que lors de réunions, de visites d’établissements et de rencontre